mercredi 9 mai 2018

3/ Deuxième Chapitre - Mon Adolescence

Deuxième Chapitre

MON ADOLESCENCE



Me voici donc définitivement en Belgique. Adieu la Hollande, ses tulipes, les canaux d'Amsterdam, Adieu tout ce que j'avais connu jusque-là. Cela n'avait cependant pas été trop traumatisant, car j'aimais bien la Belgique. Après tout c'est ici que j'avais été le plus heureux: J'y avais passé chaque année de merveilleuses vacances. Bien entendu, Erwin me manquait. Nous avons continué à s'écrire quelque temps, mais arrive un temps où on ne sait plus quoi se dire et cela à fini par s'arrêter.

Vers la mi-septembre, maman est venu me chercher à Jemappes, pour me ramener vers mon nouveau foyer: Un petit appartement meublé à Etterbeek, rue Louis Titz. L'appartement - c'est un grand mot - se composait d'une grande chambre, faisant office de "studio" avec un coin "salle à manger", deux fauteuils et un grand lit. C'était là que les parents et ma petite sœur dormaient. Moi je dormais sur un lit réversible dans la cuisine. Une salle de douche et un WC, complétait l'ensemble. Ce n'était pas le grand luxe, mais c'était un début : Il fallait bien se loger !
 
Je ne connaissais pas du tout Bruxelles, c'était une toute nouvelle expérience pour moi. Ma vie avait changé du tout au tout. D'abord, plus question d'aller à l'école: les études, c'était fini, il fallait que j'aille travailler pour gagner ma vie et participer au budget familial. Nous ne possédions plus grand chose, à cause de la faillite de l'entreprise de papa. Nous n'avions plus que le strict nécessaire. Pour le superflu, on verrait plus tard ...

On m'avait trouvé mon premier boulot, j'avais 15 ans, alors ! C'était chez un boulanger-pâtissier, avenue de la Chasse. Le travail commençait à trois heures du matin. Je devais allumer les fours, aider le patron à pétrir le pain, etc. Un travail d'apprenti, quoi! La confection de la pâtisserie, c'était l'affaire du patron. Il était bien gentil le patron, il m'avait autorisé de goûter à tout, tant que je voulais. C'était une stratégie de sa part, qui porta vite ses fruits. Au bout de quelques jours, à force d'avaler de la crème pâtissière et du chocolat, j'en fus tellement dégoûté, que pour finir je n'y touchais plus. C'était bien sûr l'effet recherché ... Pas bête, le patron, hein !!!

Je ne suis pas resté bien longtemps chez le brave boulanger. Les horaires étaient vraiment trop horribles. Il fallait que je me lève tous les jours à 2 heures du matin. Et je ne rentrai à la maison que vers 13, 14 heures, si tout allait bien. J'étais mort de fatigue. J'ai bien vite compris que si c'était cela, la vie de boulanger, ce ne serait pas la mienne !  Au bout de 6 ou 7 semaines, je laissa là, fours, farines et autres levures, pour un autre emploi, qui me laisserait dormir la nuit !

Le trouvai donc mon second emploi, à la Porte de Namur, chaussée d'Ixelles, dans un Adolphe Delhaize, où je me suis bien plu, durant 6 ou 7 mois. On m'avait affecté au rayon des "Fruits et Légumes". Je n'ai jamais mangé tant de fruits de ma vie. Le gérant et le personnel étaient très gentils avec moi. Parfois je devais aller livrer des fruits et des légumes à un hôtel-restaurant, "Le Berger" dans la rue du Berger. Je me souviens que je recevais toujours un gros "pourboire" Ce n'était que plus tard que j'appris que "Le Berger" était en fait une maison de "passe", mais dans ma naïveté, je ne m'en étais jamais aperçu. Il y avait bien les "dames" qui me trouvaient "mignon", mais je n'avais jamais fait le rapprochement !  En fait, rue du Berger, c'étaient les bergères qui tondaient les moutons ...

Durant mon temps libre, les week-end, j'aimais aller aux Musées du Cinquantenaire, à deux pas de chez nous. J'aimais particulièrement le Musée d'Art et d'Histoire. J'étais fasciné par la section "Gréco-Romaine": Les magnifiques statues d'hommes nus ... ne me laissaient pas de marbre !

L'Egypte antique m'attirait tout autant. Parfois j'y emmenais ma petite sœur, qui avait alors 5 ans, et qui adorait accompagner son grand frère .  Elle amait bien ce musée, elle était fascinée par les "momies".
  
 Vers la mi-1954, nous avions déménagé à Schaerbeek, rue Adolphe Marbotin. Nous avions loué un appartement au premier étage dans une maison, propriété de Tante Romaine, une sœur de mon Grand-père. C'était un vrai "Gendarme", ce qu'on peut appeler une femme "formidable", encore faut-il apprécier ce genre de "virago". C'était assez spacieux, il y avait une cuisine. Je me souviens qu'il y avait une grosse "cuisinière"à charbon en plus de la "gazinière" ... Il y faisait bien chaud en hiver ... et la bouilloire "chantait" sur le coin du feu ... c'était  "Cosy" ! Il y avait une salle à manger, une chambre à coucher, une salle de douche, et moi j'avais une chambre mansardée, munie d'un "œil de bœuf" en guise de fenêtre, d'ou je pouvais découvrir tout le bas de Schaerbeek. J'aimais m'y refugier pour lire, où pour simplement être seul. Mon livre de chevêt de l'époque, était un roman historique de Henryk Sienkiewicz: "QUO VADIS !" ... On en avait tiré un film avec Peter Ustinov, Robert Taylor et Deborah Kerr, qui était l'un de mes préférés. Je crois bien encore aujourd'hui !

Entretemps j'avais quitté "Adolphe Delhaize" pour un "job" dans un atelier de sérigraphie "Les Impressions Hami", ou je fis la connaissance de Georget Lebon, un collègue. Et coïncidence, il était aussi mon voisin: Il habitait dans la maison a côté de la notre. Lui, ainsi que son frère,Jean, faisaient partie du "Patro Ste Suzanne" ... Ils avaient vite fait de m'attirer vers ce Mouvement de Jeunesse. Ce ne fut pas long avant que je devins un des "Dirigeants"  ...  Ce fut une chouette époque, insouciante qui devait se terminer en 1961.

C'était aussi à cette époque que je devins "acolyte" dans notre église paroissiale, Ste Suzanne ... J'y servais la Messe, surtout la "Grand'messe" du dimanche, ainsi que les "Vêpres et Complies" dans lesquels je chantais aussi. (j'avais une assez jolie voix).
 (Photos ci-dessous : L'église Sainte Suzanne ou j'étais "acolyte")
 
J'ai gardé de bons souvenirs de cette époque :  J'adorais endosser la soutane et le surplis. (J'ai même eu des désirs de devenir prêtre, idée que j'avais abandonné bien vite, ayant décidé que ce n'était pas ma vocation). Le Curé de l'époque, l'Abbé Albert Ryckmans, était très fier de son équipe d'acolytes. Nous étions une trentaine, agés entre 10 et 24 ans. Les cérémonies réligieuses étaient superbes à l'époque. On en était toujours à la Messe traditionelle, chantée (où dits pour les messes"basses") en Latin. (Introïbo ad altare Dei ...) C'était très beau et les églises étaient encore pleines en ces temps là. En plus de Mr. le Curé, il y avait encore 4 vicaires. Il n'y avait pas encore de pénuries de prêtres à l'époque (Que s'est il donc passé, pour que cela ait tellement décliné ?)

L'abbé Ryckmans était réputé pour ses homélies: On venait de loin pour les écouter. Il est vrai qu'il ne mâchait pas ses mots. Le dimanche il y avait 5 Messes, la première a 7 heures, la dernière à 12 heures (la messe des "paresseux", qu'il disait), la Grand'messe était à 10 heures. C'était lui qui faisait "l'homélie" à chacune d'elles ... c'est dire qu'il était rodé pour cette messe de "midi" ... En fin d'après-midi on chantait les Vêpres et Complies, suivie par la bénédiction du Saint Sacrement.

Je puis affirmer, honnêtement, que cette période à été la plus belle de ma jeunesse.



Fin 1954, je changeai de nouveau d'emploi. Papa, qui était "étalagiste-décorateur" pour un grand magasin, me trouva un emploi comme "étiquettiste-calicotiste" dans un magasin à rayons multiples, le "Au Bon Marché", Boulevard du Botanique. (Ce magasin n'existe plus, mais le bâtiment subsiste toujours). J'y suis resté que 15 mois. Le travail n'était pas des plus "excitants".

C'est à cette époque que mes tendances "Gay" se sont fait jour. En effet, les abords du "BM" étaient connus comme étant un endroit de "drague" pour les "Pédés" (Quel horrible mot, je préfère de loin "Gay", ce nom qu'on utilise de nos jours). Vous devinerez facilement la suite: J'étais comme une "abeille » devant un pot de miel", comme un "clou devant un aimant" !  Ce qui devait arriver, arriva !  Je m'étais fait "draguer" et j'étais passé à la "casserole", comme on dit si joliment. C'est à la casserole qu'on saute les pommes de terre, et je ne sais pas si elles y prennent autant de plaisir que je n'ai pris cette fois-là ! Le "Pied" !

Ce fut l'étincelle qui alluma la mèche qui allait faire "exploser" mes préférences pour le genre masculin. Bien sûr ce n'était pas nouveau, j'avais compris depuis longtemps déjà, que j'avais une attirance certaine pour les hommes, mais je n'avais jamais franchi le pas. Je n'avais jamais osé approcher qui que ce soit (sauf les statues grecques) de peur de la réaction qui aurait pu s'en suivre. Et puis, il y avait le qu'en dira-t-on. En outre il y avait le Patro et l'Acolytat, où ce n'était sûrement pas le genre de la maison.

A cette époque, tout ce qui touchait à la sexualité, était "tabou", péché mortel, enfer et damnation éternelle...

On pouvait s'imaginer, Satan devant sa "marmite", faisant "mitonner" tous ceux qui avaient osé faire autre chose que faire pipi avec leur "zigounette", mijotant sur le feu de l'enfer.

En outre, je ne me voyais pas confesser à mon "Directeur de conscience", qui était aussi l’Aumônier du Patro, mes tendances "Intrinsèquement désordonnés, contraires à la Loi Naturelle", comme le déclarerait quelque 50 ans plus tard, Mgr. Joseph Léonard".

Donc le seul acte que je lâchais en confession, était la chose que tous les jeunes de mon âge (17 ans à l'époque) pratiquaient à tour de poignet: La "Masturbation". Ce que je confessais par : "Mon Père, j'ai pêché par impureté" ... du reste, ne pas confesser cela, aurait été suspect, à moins que je ne sois un Saint, ce dont on ne m'a jamais soupçonné.

A vrai dire, je n'eûs plus d'expériences "Gay" pendant longtemps. J'étais trop pris par mes occupations dans la paroisse et mon boulot. (et je l'avoue, par peur de me faire découvrir).

Entre-temps, nous avions de nouveau déménagé. Suite à un gros différend, entre mes parents et la Tante Romaine, maman et papa avaient trouvé un "superbe" appartement situé à l'angle de la rue Guillaume Kennis et de l'Avenue Gustave Latinis. Au troisième étage et dans le même quartier. Toutes les pièces donnaient sur la rue (sauf la cuisine et la salle de bains) .. Il y avait 9 fenêtres en façade. Imaginez le nombre de vitres à laver ! La vue était superbe: On pouvait voir jusqu'au "Domaine Royal" et la Tour Japonaise ... et pour la première fois, ma petite sœur avait une chambre, pour elle toute seule. Ce qu'elle était fière ! Et puis on s'était rapproché de Ste. Suzanne et de l'Institut  des Dominicaines, où Nadine faisait ses "Primaires". A peine 100 M. à pieds.


En 1955, je tombais gravement malade. Je me plaignais depuis quelque temps déjà, de maux dans le dos, entre les côtes. Je faisais régulièrement des visites au service médical du "BM" et invariablement le médecin diagnostiqua: "Névralgies Intercostales" ! Mais les douleurs devenaient de plus en plus sévères, au fur et à mesure que le temps passait. Mon travail commençait à en souffrir, à un tel point que je fus licencié !

Papa, s'arrangea alors pour me faire engager comme "étiquettiste" auprès de lui, chez "Priba". Avant d'être engagé il m'avait fallu passer la visite médicale. Lorsque je mentionnai mes "Névralgies Intercostales" au médecin, il avait trouvé cela "suspect" et il me fit passer des tests et une "Radioscopie" ... On avait diagnostiqué, une "Infiltration Tuberculeuse des Sommets des Poumons" ... On m'expédia dare-dare au Sanatorium "Georges Brugmann" à Alsemberg.


(Ici je suis en compagnie de maman, lors de mon séjour en Sanatorium)


 
Quelques jours après mon arrivée dans cet établissement, mon état s'empira brusquement : Je fis une Pleurésie, qui faillit m'être fatale. Je fis tellement de fièvre que je commença à "délirer" et que je ne reconnaissait plus mes parents, lorqu'ils venaient me voir. Heureusement, le médecin-directeur de l'établissement, le Dr. Wyns, parvint, à gros renfort de "Streptomycine" et de "Rimifon", à enrayer la maladie. Je devais subir des ponctions tous les jours, jusqu’à ce que l'infection ce soit dissipée.

Petit à petit, je me remis, et on m'installa dans une chambre à quatre lits, avec des jeunes d'à peu près mon âge (ils avaient entre 18 et 21 ans). Il ne me fallut pas longtemps pour m'apercevoir d'un étrange "manège" après l'extinction des lumières. Les gars de la chambrée se rendaient visite les uns aux autres, dans leurs lits. La bienséance m'interdit d'être plus explicite.

Lorsque l'un d'eux m'avait invité à participer à leurs ébats, je n'avais pas hésité bien longtemps. Genre de temps que l'on compte en "nanosecondes" ...
Mes "tendances" furent à nouveau réveillées. En fait elles n'attendaient que cela ! C'est alors que j'acquis un peu plus "d'expérience" ... Quoique ce n'était pas encore la "grande explosion" :  Celle-ci ne surviendrait que quelques années plus tard !

Après 13 mois de "Sana", je pus enfin rentrer définitivement à la maison. J'étais déclaré entièrement guéri de la Tuberculose. Je n'ai jamais plus revu aucun de mes "compagnons" de chambrée... 

Nous sommes à la mi-1956 ... A ma grande surprise, la place chez "Priba" était toujours "ouverte" (probablement grâce à papa). Je repris le travail après un bref apprentissage au magasin de la rue de Halles, près de la Bourse. Quelques mois plus tard, je fus transféré dans une nouvelle succursale, Rue Richard Vande Velde à Schaerbeek. Là, je travaillais seul, comme décorateur-étalagiste. Le gérant, Mr. Dewolf, avec qui je m'entendais à merveille, m'avait donné "carte blanche" pour tout ce qui concernait la décoration du magasin. En outre, lorsqu'il y avait affluence, on me demandait de donner un coup de main à la vente. J'adorais cela !

Côté loisirs, je repris du service auprès du Patro et comme Acolyte. Mes tendances "Gay" s'étaient de nouvé estompées, mises en "veilleuse" en quelque sorte. Les mois passèrent. J'étais heureux avec tout ce que je faisais. Les activités au Patro m'absorbaient totalement: l'organisation des jeux, les veillées, les fêtes ... En outre le dimanche il y avait la Messe et les Vêpres  ... J'adorais cela, pour rien au monde, j'aurais raté cela. Cela m'avait beaucoup manqué durant ces 13 mois au sanatorium. Quoique, il y avait une chapelle au "Sana", où un "vieux" prêtre venait dire la Messe les dimanche et les jours fériés. Bien entendu, j'y servais la Messe. 

Cette période était faste pour moi. L'époque était fort différente de celle que nous connaissons aujourd'hui. La libération de la guerre n'était pas encore tellement éloigné dans le passé, et la plupart des jeunes avaient étés éduqués dans le souvenir de cette époque troublée. Il y avait beaucoup plus de discipline, alors. Les jeunes n'étaient pas laissés à leur sort comme aujourd'hui.

Ils avaient encore du respect pour leurs aînés.

C'est aussi à cette époque que je suivais des cours du soir de dessin et publicité, à l'Ecole Saint Luc, rue de Palais. J'aimais beaucoup cela. Surtout les cours de dessin au fusain. Il y avait toujours un jeune homme (il était très beau) qui posait tout nu. Je crois que je l'ai dessiné sous tous les angles possible. Parfois on dessinait le portrait d'un des élèves qui était désigné pour poser. Il y avait notamment Herbert. Je lui ai fait son portrait, et il avait adoré. Il m'avait même demandé si je voulais bien le lui donner.  Il faut dire qu'il était "beau gosse" et que j'étais attiré par lui. Il était musicien (il jouait du violon, de l'Alto) et dans la journée il allait au conservatoire. Un jour je l'ai ramené à la maison pour le présenter à mes parents. Nous nous sommes pas fréquentés très longtemps, d'abord il n'était pas "Gay" du tout, et il était très pris par la musique et le dessin ...

1957...
La vue qu'on avait depuis notre appartement était en train de changer très rapidement. Le Boulevard Lambermont avait subi de grosses transformations. D'une artère verdoyante, bordée de 4 rangées de Vieux Platanes, avec une piste équestre, une piste cyclable et la ligne de tram sous les frondaisons et 2 voies carrossables de part et d'autre, elle était devenue une véritable "Autoroute Urbaine". Disparus les beaux arbres, ils avaient dû faire place à l'Asphalte. A l'horizon on pouvait apercevoir le travaux de l'Expo '58. La construction de l'Atomium avançait à grand pas. Bruxelles n'était plus qu'un gigantesque chantier. L'ancienne Gare du Nord avai cèdé la place au une tour de verre, le "Centre Martini". Un long viadux partait de la Place Rogier vers la Place Simonis. La vieille "Gare de l'Allée Verte", Monument Historique, puisque c'est de là que c'était ébranlé le tout premier train du continent, avait été démolie, pour faire place à l'Héliport (qui lui aussi à disparu aujourd'hui) ... Et tout cela pour "l'Exposition Universelle de Bruxelles 1958"
  
Puis, enfin, ce fut l'ouverture de "L'EXPO '58" ... Il faut dire que cette année avait commencé sur les chapeaux de roues. Pour me faire
un  peu d'argent de poche supplémentaire, j'avais offert à Mr. Dewolf de faire le nettoyage du magasin le soir après la fermeture, juste le temps que la femme de ménage fasse son accouchement. Cela m'avait rapporté un beau petit pécule supplémentaire. Je rêvais de posséder un "magnétophone", ce qui était quelque chose de "nouveau" pour l'époque. Avec ce que j'avais gagné, j'eus tôt fait de l'acquérir.
  
Mes parents, quand à eux, avaient mis deux chambres, la leur et la mienne, à la disposition de "Logexpo" ... La chambre de ma sœur fut tranformée en chambre pour les parents et ma sœur, tandis que moi je dormais sur le canapé du living. Cette période "Logexpo" fut un franc succès. Pas mal de gens avaient défilé chez nous, de toutes Nationalités, des quatre coins du monde. Ce fut très agréable de faire la connaissance de tous ces gens.
  
Il faut dire qu'il y avait quand-même des gens un peu "bizarres". Je me souviens d'un Italien, qui tous les matins sortait a 6 heures, vêtu d'un grand manteau noir et avec un immense parapluie, et qui allait attendre le premier tram à l'arrêt juste en face de chez nous.

Une autre fois c'était un jeune Américain, un Texan de Houston, qui lui, préfèrait passer les soirées avec nous à discuter et à nous apprendre à jouer au Poker.

Je me rappelle d'avoir reçu une invitation personnelle, sur papier parchemin, à une réception au "Belvédère" (là où Leurs Majestés le Roi et la Reine habitent actuellement) par le Baron Moens de Fernig. Je n'ai aucune idée en quelle honneur et comment ils ont eu mon nom. Inutile de dire que j'ai décliné l'invitation, poliment.

Je suis allé à maintes reprises a "l'Expo", seul et avec le Patro. C'était formidable, toutes ces merveilles, exposées à la vue de tous. Toutes ces prouesse technologiques. C'était l'époque où l'Union Soviétique avait mis sur orbite le tout premier satellite artificiel, "SPOUTNIK", dont on pouvait admirer la copie dans le pavillon de l'URSS. Tous les visiteurs étaient fascinés par cette petite boule de métal, dont l'original tournait autour de la terre en émettant comme unique signal radio un : BIP, BIP, BIP ..., qui fut diffusé" par toutes les radios du monde.

NOUS ETIONS BEL ET BIEN ENTRES DANS L'ERE SPATIALE !


Malgré toute l'agitation qui secouait Bruxelles, cette année là, j'jétais quand même parti passer mes vacances avec ma Marraine et mon Oncle, à Olloy-sur-Viroin. Nous logions è l'Hostellerie du Viroin, juste en face de la Gare. Cet établissement n'existe plus de nos jours.

Là, je fis la connaissance du fils de la patronne de l'hostellerie. Un très gentil garçon, Emile, qui avait a peu de chose près mon âge. Il n'a pas fallu longtemps pour que je me rendis compte qu'Emile avait les mêmes tendances que moi. On devint amis, le temps des vacances. Nous faisions de longues randonnées à bicyclette, dans la région. Emile me montra tout ce qu'il y avait à voir dans la région: Le "Fondry des Chiens" à Nismes, les "Abannets" le "Matricolo", etc. Il faisait un excellent guide. Nous avions beaucoup parlé et fait de longues promenades en forêt, découvrant la nature de près. ... Ce fut là que nous avions examinés nos "natures" de plus près ... si vous voyez ce que je veux dire ! C'est cela qu'on appelle, les leçons des choses ... Mais Emile était qu'un bon copain, rien de plus. Je l'ai revu en vacances en Autriche. Par la suite je l'ai perdu complètement de vue. Je n'ai aucune idée ce qu'il est devenu.

Une fois l'Expo terminée, la routine repris son cours. Je pus ré-intégrer ma chambre et retrouver ce qui faisait mon quotidien.: le travail, le Patro et l'Acolytat ...

C'est à cette époque que mourut SS. le Pape Pie XII. Pour moi ce fut un événement marquant, car avec quelques autres acolytes, nous avions été désignés par Mr. le Curé pour sonner le "glas" ... Pour ce faire, nous devions monter dans le clocher de l'église et donner un coup de marteau sur le Bourdon, toutes les 5 minutes, depuis le lever du soleil, jusqu'au coucher. On se rélayait toutes les heures.

Cette journée du 9 octobre 1958, nous parut interminable ! 

(Ci-dessous, les trois photos au "Patro" Sainte Suzanne, en camp d'été à Lourdes)
  
En 1959, je partis au Camp avec le Patro, destination les Pyrénées et Lourdes. Comme j'avais toujours une santé fragile, suite à ma Tuberculose, je ne dormais pas sous la tente, mais à la ferme d'à côté ... Ainsi que notre Aumônier.
Comme de bien entendu, nos fîmes le Pèlerinage à Lourdes au sanctuaire.
Cela m'avait laissé une forte impression. Toute cette souffrance, tous ces malades qui viennent là par milliers, avec l'espoir d'une guérison. La ferveur était omniprésente, palpable. par contre, ce qui me déplut "souverainement", c'était le commerce, omniprésent, de bondieuseries ... On y vendait des chapelets, des images pieuses, de l'eau de Lourdes en bouteilles, des statuettes, des vierges "porte clefs" et tutti quanti.... Je suppose que tout le monde à le droit de gagner sa vie, mais tant de mauvais goût, c'est choquant quand-même !

De retour au travail, le nouveau gérant du Priba Schaerbeek, Mr. Close, avait été désigné pour ouvrir un tout nouveau magasin à Jette, rue Léopold 1er. Il s'agissait d'un tout nouveau concept à Bruxelles, un "Supermarché" de style USA. Le gérant m'avait offert, ainsi qu'à quelques autres personnes de l'accompagner dans cette l'aventure. Nous avions accepté bien volontiers, car Mr. Close était un chouette patron, que nous aimions bien. Donc on partit pour la nouvelle succursale pour "faire l'ouverture" ... Ce "Super" existe toujours, mais sous l'enseigne de "Carrefour"

En 1960, cette période heureuse de ma vie allait prendre une toute nouvelle tournure. On avait offert à maman la gérance d'un Magasin de Papeterie, Librairie et Articles pour Fumeurs, "SOGESMA" ... Le magasin se trouvait Square Gutenberg. ... Maman ayant accepté l'offre, nous voici donc devant un nouveau déménagement. Nous allions vivre dans l'appartement au dessus du magasin. C'est ainsi que j'ai dû cesser de fréquenter Ste Suzanne, le Patro, l'Acolytat ... Terminé, Stop ! Le Square Gutenberg était vraiment trop loin de Ste Suzanne.


Tout était en place pour que ma vie change radicalement.
En déménageant, je laissais derrière moi, mon adolescence !

Ma vie d'adulte était sur le point de commencer véritablement.

1/ Préface


       Une célébration à la mémoire de mon
         Compagnon de Vie et Meilleur Ami


Ces quelques pages, ont pour but de partager ce que
fut notre vie ensemble. Une vie qui n'a pas toujours
été facile, et qui en définitive fut une vie très heureuse.


PREFACE

Je tiens à rassurer le lecteur. Si vous vous attendez à des épisodes de vie
"croustillantes" je crains que vais devoir vous décevoir. Pas question ici d'un récit
à caractère "Porno", alors là, pas du tout.  Même s'il s'agit ici de la vie de
deux "Gays", cette vie ne diffère pas tellement du comportement d'un
couple qualifié de "hétéro" ... Nous avons tous nos désirs, nos phantasmes,
nos joies et nos peines et surtout, nos espérances !
Nous sommes humains, après tout !

Le fait d'être "Gay" n'est pas un choix délibéré, je reste persuadé
que nous sommes nés ainsi, on n'y peut rien.
Il vaut mieux s'accepter tel qu'on est et de se conduire comme
n'importe quel être humain, sain de corps et d'esprit. Si on ne
fait pas cela, la vie deviendrait très vite un enfer.
Pour soi-même et surtout pour les autres !

Dans les chapitres qui vont suivre, je vais tenter de décrire le
déroulement de ce que fut ma vie avec le Compagnon
que je m'étais "choisi" et qui aura duré 44 merveilleuses années.
Vous verrez que cette vie n'est pas tellement différente de celle
de la plupart d'entre nous. Nous aspirons tous au bonheur, aux belles
et bonnes choses que la vie peut nous offrir, ce qui est normal.

La finalité est de partager sa vie avec quelqu'un, tout en espérant de
rendre la vie de l'être qu'on s'est "choisi" aussi heureuse que possible.
Ce n'est pas une tâche aisée, croyez-moi, il faut en mettre de l'eau
dans son vin. Il faudra faire beaucoup de concessions!
Mais surtout, et c'est essentiel, beaucoup d'Amour ! C'est là
le grand secret de la réussite!

Vous verrez qui vous faudra parfois faire face à de déceptions,
tout comme n'importe qui.  Mais vous verrez aussi qu'en définitive, tout
finit par retomber sur "ses pattes" et que la vie vaut la peine
d'être vécue.  Dites vous bien que l'être humain n'est pas fait pour
vivre seul, qu'il soit "homo" ou "hétéro".  Tôt ou tard, on finit par
le ou la trouver, l'élu(e) de son cœur.


Grace a Dieu, je l'ai eu cette chance !

Il y à toujours quelqu'un pour quelqu'un ! 






2/ Premier Chapitre - Mon Enfance

 Premier Chapitre
MON ENFANCE



(Photo:  Maman et papa lors de leur mariage en 1936)


Je me nomme Guy. Je suis né à Amsterdam,le 17 septembre 1937. Mes parents étaient des gens comme il y en à des "centaines de millions" de par le monde, issus de familles "modestes".

Maman était Belge, Wallonne, de son nom : Denise.
Elle avait fait des études de "Infirmière-Accoucheuse" à la "Fondation Lambert" à Bruxelles. Quelques années après avoir obtenu son diplôme, elle rencontra Willy, qui allait devenir son époux, et mon père. 

Ils s'étaient rencontrés accidentellement à la "Foire  du Midi" de Bruxelles en 1936. Maman avait été prise d'un malaise, une syncope, et elle était tombée dans les bras (littéralement) de celui qui allait devenir son futur époux. Je me demande si c'était la vue d'un carrousel qui tournait, ou la vue de l'homme (mon père) qui l'avait fait tourner de l'oeil ...  

Maman, à cette époque ne parlait que très peu le Néerlandais, pour ne pas dire pas du tout, et papa, à part quelques mots, ne parlait pas le Français. Le problème n'était pas mince : comment parler "d'amour" dans des circonstances pareilles! 

Cependant, les adresses furent échangées et il ne fallut pas longtemps pour que les lettres commencèrent à arriver. Heureusement que le frère de papa, qui lui parlait couramment le Français, traduisit et rédigeait les lettres de, et pour maman.

Toujours est-il qu'ils se marièrent et allèrent s'établir à Amsterdam.

De cette union je fus le premier "fruit", si j'ose dire. Déjà à ce moment là il à fallu que je fasse les choses différemment des autres. Pour commencer je suis né prématurément: à 7 mois ! Apparemment je ne pesais que 900 grs. (on aurait peine à le croire en me voyant aujourd'hui). On m'avait emmené de toute urgence à l'hôpital, chaudement emballé ! Arrivé à l'hôpital, les médecins avaient découvert que j'avais contracté une double pneumonie. A cette époque, et à sept mois, cela n'offrait pas beaucoup de perspectives de survie. On m'avait raconté beaucoup plus tard, qu'apparemment, notre médecin de famille, avait froidement déclaré, que, soit, j'étais un "oiseau pour le chat", soit, je deviendrai un fort et grand "gaillard". (Apparemment j'avais de "grands" pieds, chose qui ne trompe pas, paraît-il !)  Heureusement pour moi, c'est la seconde "option" qui à prévalu. (Du moins en ce qui concerne la taille, car fort je ne l'ai jamais été)


(Ci-dessous, des photos de mes Grands-Parents paternels : Grootmoeder et Grootvader)
 Nous habitions un appartement sur la Ceintuurbaan 332, dans l'immeuble jouxtant celle de mes grands-parents paternels, "Grootmoeder et Grootvader" ... Le bâtiment n'existe plus, celui-ci ayant été démoli dans les années 1990 ...
Par la suite cela s'était avéré être une très mauvaise idée. Grootmoeder avait la fâcheuse manie de vouloir s'immiscer dans les affaires du "jeune" couple, qu'étaient mes parents et elle prétendait donner des leçons à maman comment élever les enfants. Evidemment, cela était plutôt malvenu : Les enfants, c'était justement la spécialité de maman.
D'après ce que maman m'avait dit étant bébé, j'avais des jolies boucles, que maman brossait amoureusement tous les jours. Un jour maman et papa ont du s'absenter quelques jours et ils m'avaient laissé sous la garde de Grootmoeder. Celle-ci avait trouvé que mes cheveux étaient trop "fins" et soyeux pour un garçon, et elle m'avait rasé le crâne, afin que mes cheveux repoussent plus forts et plus drus ! (Remède de "bonne" femme !) Bien entendu, lorsque mes parents revinrent une semaine plus tard, ce fut un choc pour eux, et une dispute s'en suivit inévitablement...
C'est alors que que mes parents décidèrent de chercher un autre appartement, loin de mes grands-parents. Ils en trouvèrent un sur le Admiralengracht (Amsterdam-West) .. J'avais alors 2 ans. Lorsque mes cheveux avaient repoussé, ils étaient toujours aussi fins et soyeux. Mais les boucles, elles, avaient disparu ! Maman en était toute désolée !
(Ci-dessous, des photos de mes Grands-Parents maternels : Bonne maman et Bon papa)
  
A cette époque, maman et papa aimaient faire des randonnées en "Tandem". On m'installait sur un petit siège qui était monté sur le cadre de l'engin. J'avais la "meilleure" place et je pouvais tout voir sans être gêné par quoi que ce soit. Il paraît que j'adorais ces excursions ! (Les voyages forment la jeunesse). C'étaient des temps insouciants pour le gosse que j'étais.
 
Dans l'appartement à côté du notre habitait un autre petit garçon, Rudi Ijzerdraat. Il ne m'avait pas fallu bien longtemps pour que nous devenions amis (déjà ?). Mes parents s'étaient liés d'amitié avec les parents de Rudi ... Nous étions devenus inséparables, il venait jouer chez moi, et moi j'allais jouer chez lui ...
  
Entretemps la guerre avait éclaté. Je ne m'en souviens pas grand-chose, du moins des premières années. C'est des dernières années de guerre que j'ai quelques souvenirs.
 

En 1943, j'avais donc 6 ans, nous avions de nouveau déménagé, vers un tout nouveau quartier, Amsterdam-Zuid, à la limite de la ville. Papa avait trouvé un "Rez de Chaussée" sur la Rivierenlaan au N° 92. (Aujourd'hui cette avenue s'appelle "President Kennedy laan")
Les souvenirs de cette époque sont déjà un peu plus précis. L'appartement était composé d'un grand "living" avec une loggia, 2 chambres, une cuisine et une salle d'eau. Toutes les pièces donnaient sur un Hall central et un couloir vers la porte d'entrée. Je me souviens qu'à mi-chemin de ce couloir il y avait une porte vitrée, que papa appelait un "tochtdeur" (pour empêcher les courants d'air). A l'arrière il y avait un jardinet et une remise. Depuis le living on avait un vue dégagée sur un terrain vague, un Parc, le fleuve "Amstel" et sur la campagne. Il y avait un "Château d'Eau" et un énorme "Gazomètre" tous deux sur l'autre rive de l'Amstel. De tout cela, il ne subsiste aujourd'hui que le "Château d'Eau et un joli pont levis. Le gazomètre à disparu.
Le terrain vague était sablonneux, et j'y ai passé de nombreuses heures à m'y amuser à y construire des "châteaux de sable" ... Ah, belle innocence de l'enfance ...
Ce ne fut pas long avant que je m'étais fait de petits copains. Il y en avait qui étaient très gentils, et d'autres qui étaient de "sales garnements" qui me cherchaient toujours "noise" et qui profitaient de ma "fragilité". Je n'étais pas fort comme un "Turc", ce qui me valut de devenir très vite leur "tête" de la même nationalité. Je préférais donc jouer seul dans mon coin, en face de la maison, ou je pouvais appeler à l'aide de maman, le cas échéant !
Photos ci-dessous: Avec papa devant notre appartement en 1943 ... La grosse maison qu'on aperçoit au fond, hébergeait la "Kommandantur" et la Gestapo .... Brrr !

 Les temps étaient devenus très difficiles pour la population. La nourriture devenait  de plus en plus difficile à trouver, et le "marché noir" florissait. Je me souviens surtout de l'hiver 1944/45. Alors que la Belgique et le sud des Pays-Bas avaient déjà été libérés, le Nord et l'Est de la Hollande étaient toujours sous la "botte" Nazie. En fait l'offensive des alliés avait été stoppée net après l'échec de l'opération "Market Garden" avec le fiasco d'Arnhem (plus tard on en avait tiré un film : "Un Pont Trop Loin"). La population avaient appris que les alliés fonçaient vers le Nord et vers Amsterdam, et que ce ne serait plus qu'une question d'heures avant que les troupes Canadiennes entrent dans Amsterdam. La population avait déjà commencé a pavoiser, les drapeaux tricolores ets les bannières orange, fleurissaient déjà aux fenêtres et sur les façades des maisons ... Mal leur (nous) en à pris ! Après que l'offensive eût été stoppée, les Nazis sont revenus. La population à du payer un très lourd tribut.
Les Nazis nous avaient, en guise de représailles, coupé les vivres. Comme toute nourriture nous avions droit à un betterave sucrière par personne et par semaine. Il nous a fallu manger cela cru, car l'occupant avait coupé le Gaz et l'Electricité. Impossible de se chauffer convenablement, car il n'y avait plus de charbon et l'hiver s'annonçait particulièrement rigoureux. On se chauffait avec tout ce qui pouvait brûler. Chez nous la balustrade de la terrasse avait été sacrifiée et réduite en bois de chauffage. Les arbres d'alignement dans les rues disparaissaient, comme par enchantement. Les gens prenaient de très gros risques, car l'abattage, défendu, se faisait la nuit, durant le couvre-feu !
Pas bien loin de chez nous, il y avait un petit bois, comptant une bonne trentaine d'arbres. En une nuit ce bois avait été rasé.
 
Entre les rails du tram, il y avait de blocs de bois goudronnés, en guise de pavés.
Eux aussi disparaissaient, cela faisait un excellent combustible, qui brûlait bien et longtemps tout en donnant un forte chaleur. Cela encrassait les cheminées, mais de cela on se fichait pas mal.
Pour trouver de quoi manger, les gens s'en allaient dans les campagnes, frapper aux portes des agriculteurs, afin d'essayer d'acheter quelque nourriture. Ils faisaient du troc, en payant avec des bijoux, ou de l'argenterie, avec le peu de choses de valeur qu'ils possédaient.
Maman aussi était partie comme cela, avec une vieille voiture d'enfant, afin de faciliter le transport du peu qu'elle pouvait obtenir.  Elle était revenue deux semaines plus tard avec un peu de beurre, du lard, quelques œufs et un sac de blé. Cela lui avait coûté bien plus cher qu'il ne fallait. Les paysans profitaient de la situation pour demander des prix exorbitants, et ainsi de s'enrichir. Comme quoi, il y à toujours des personnes sans scrupules, pour s'enrichir sur le compte des pauvres malheureux qui mourraient de faim !
Maman avait eu énormément de chance, car beaucoup de personnes qui s'étaient ravitaillés de la sorte, furent stoppées par les Nazis. Tout ce qu'il possédaient était immédiatement confisqué par les troupes. Surtout par les "SS".
Papa en avait fait l'expérience: Il avait obtenu auprès d'un fermier, en échange d'un tableau de maître, un sac de 25 kg de pommes de terre. Il avait chargé le sac sur le cadre de son vélo. A une centaine de mètres de chez nous, à l'angle de la Rivierenlaan et de la Vechtstraat, il s'était fait intercepter par une patrouille. Tout lui fut confisqué, y compris son vélo. Il eût malgré cela de la chance qu'il s'était agit d'une patrouille de la Wehrmacht, car si cela
avaient été des "SS", il y aurait eu fort à parier que papa aurait été emmené à la Kommandantur. Et tout le monde savait que quand on y entrait, on n'était jamais sur quand on en sortirait. 
 
La neige s'était mise à tomber dès la mi-novembre et les températures étaient très basses, pour la saison: on était toujours en automne ! Je me rappelle qu'à la Noël, il gelait à "pierre fendre". Cette situation à duré jusqu'en mars 1945, ce fut un très long hiver.
Avec le froid intense, les conduites d'eau avaient éclatés. Le réseau d'égouttage était en mauvais état, en bien souvent hors d'usage; soit endommagé, soit tout simplement bouché. Les services publics ne fonctionnaient plus depuis belle lurette. Les eaux "usées" et autres matières immondes débordaient dans les rues. Les maladies commençaient à se répandre dans la ville. Bronchites, Pneumonies et la Dysenterie. J'ai vu des gens qui mourraient à même le trottoir.
Triste spectacle pour un enfant de sept ans !
Enfin, l'hiver toucha à sa fin. Les alliés avaient repris leur avance et les troupes Allemandes commencèrent à se replier vers l'est et le nord. L'aviation alliée avait commencé à larguer de la nourriture, afin de venir à l'aide de la population affamée. Je ne pesais pas bien lourd : j'avais la peau sur les os, maman et papa n'étaient guère mieux lotis, sinon pire encore. En effet le peu qu'il y avait à manger, maman le réservait pour moi.

Le 5 mai 1945, les alliés sont entrés dans Amsterdam. J'avais sept ans et huit mois ! Quelle fête cela fut ! La gens dansaient, pavoisaient, s'embrassaient ! Nos libérateurs reçurent un accueil triomphal. Mes parents firent la connaissance de deux soldats Canadiens : Brian et Georges ... Georges était Québécois, et maman pouvait donc lui parler en Français.  Quand ils venaient à la maison, ils nous apportaient du ravitaillement : Nourriture, friandises (je n'avais plus aucune souvenance à quoi ressemblait une orange, ni du goût du chocolat), des cigarettes pour papa, etc. ... Et lorsqu'il passaient et qu'il n'y avait personne à ma maison, nourriture et cadeaux passaient par la boîte aux lettres, en tous cas, tout ce qui pouvait passer. Maman avait parfois difficile à pousser la porte en entrant, c'est dire !
La fête à duré quelques semaines, mais ensuite il à fallu que la vie reprenne un semblant de normalité. Ce ne fut pas une tâche facile, il fallait reconstruire, tout réorganiser. Les Nazis, dans leur débâcle, avaient, soit emporté avec eux leur butin, soit détruit ce qu'ils ne pouvaient emporter avec eux !
Moi, pour ma part, il fallait que je retourne à l'école, chez les frères. Je n'ai jamais été un élève brillant. Trop fragile, j'étais souvent malade. J'enchaînais les bronchites aigues. Le enfants de ma classe me trouvaient "bizarre". Comme en outre j'étais du "genre rêveur", cela me valu d'être souvent puni, par les frères. Bien entendu cela ne manqua pas d'accentuer ma position, peu enviable, de "Tête de Turc" auprès de mes "compagnons" de classe.
Déjà à cette époque j'étais "parfait" bilingue, Français/Néerlandais. Résultat j'étais catalogué par les élèves dans ma classe de "Péteux", de fils à papa (ce que je n'étais pas du tout, loin de là).  Je reçus des coups et des insultes de toutes sortes. Je ne compte plus le nombre de fois que je changeais l'itinéraire pour aller et revenir de l'école, afin d'éviter de rencontrer mes tortionnaires.
Je me disais, qu'en définitive, tous les "Nazis" n'étaient pas encore partis ! 
Pour finir, j'arrivais à l'école "systématiquement" en retard, unique moyen de ne rencontrer personne qui soit susceptible de me "tabasser" !
Bien entendu cela ne solutionna rien, si ce n'est que de m'attirer les foudres des profs. Je n'osais pas leur dire la raison de mes retard, de peur de me faire traiter de "mouchard" par mes tortionnaires. Mes résultats en classe ne tardèrent pas à en souffrir. J'ai du "doubler" à deux reprises, ce qui m'avait attiré  les "foudres" parentales. Les punitions que je recevais en classe ne suffisaient pas : à la maison aussi j'étais puni.  Maman et papa ignoraient tout de ce que je subissais de la part de ceux que je nommerai certainement pas mes "camarades" ! Si j'avais soufflé mot de ce qui se passait à l'école, connaissant mes parents, ils auraient directement contacté les supérieurs de l'école en leur informer de ce qu'on m'infligeait. Je n'ose pas imaginer quels auraient été les conséquences !
Bref, cette partie de ma vie ne fut pas des plus enviables.
Heureusement, j'avais quand-même un grand ami, Erwin Horwitz, qui prenait toujours ma défense. Je suis d'ailleurs toujours en rapport avec lui de nos jours. Il à mon âge. Il à, connu une grande tragédie dans son enfance.
Son papa, était un Juif Hollandais qui avait épousé une Bavaroise, Catholique. Les parents d'Erwin avaient vu arriver les menaces qui s'amoncelaient en Allemagne. Tôt, avant que la guerre n'éclate, ils avaient fait baptiser et élever Erwin dans la religion Catholique. C'est ce qui le sauva de la déportation. Le papa d'Erwin qui en outre, était dans la résistance, fut arrêté, déporté en Camp de Concentration. Il mourut, comme des milliers de coreligionnaires à Auschwitz.
Nous étions de vrais amis, et nous étions constamment l'un chez l'autre. J'aimais bien sa maman aussi.
Erwin et moi, nous fréquentions la même école Catholique, Saint Thomas d'Aquin, chez les frères Maristes. Aujourd'hui cette école à cessé d'exister; ainsi que l'église. Toutes deux démolies pour faire place à des immeubles à appartements.
Nous avions fait notre Communion Solennelle ensemble. Nous fréquentions aussi la troupe scoute locale, St. Tarcisius
C'est également à cette époque que je commençais à passer mes "grandes" vacances chez mes Grands-parents à Jemappes en Belgique. Plus tard après le décès de Bonne-maman, je passais ces vacances chez ma tante Alice. Son mari, l'oncle Léopold, était machiniste (mécanicien pour les amis Français) auprès de la "SNCB". Il conduisit de belles locomotives à vapeur. Je me rappelle de toutes les histoires de "guerre du Rail" qu'il me racontait. A faire se "dresser les cheveux" sur la tête !
Je pense bien, que mon "amour" pour les trains j'ai du l'hériter de lui. Je pouvais passer des heures à observer les trains à la Gare de Jemappes. J'avais découvert qu'il y avait une gare de triage entre Jemappes et Quaregnon, aussi je me postais souvent au "Passage à Niveau" du "Bloc 25". Là je pouvais observer les "va et vient" de la locomotive de manœuvres, une "Type 53". Elle lançait les wagons de toutes sortes sur le "triage" ... Pour moi, le spectacle était fascinant.
Bref, ce furent des vacances inoubliables. Je m'y refaisais une "santé" et quand je rentrais à Amsterdam, j'avais repris de "belles couleurs" et du poids. En outre j'étais complètement rhabillé, de la tête aux pieds ... Une année j'avais reçu un nouveau costume, avec des pantalons "Golf" (comme Tintin) ainsi qu'un "béret Basque" ... Jusqu'alors j'avais toujours porté des culottes courtes. Les pantalons "Golf" étaient à la mode en Belgique, mais en Hollande ... c'était du jamais vu !

Résultat ? Un sujet de moquerie de plus a l'inventaire de mes tortionnaires !!!
1948.  Un nouvel évènement vint bouleverser ma petite vie: La naissance de ma sœur, Nadine. Cela vint comme un choc pour moi. J'avais près de 11 ans, et voilà que j'avais une "rivale". Toute l'attention de maman et papa s'était tournée vers elle. Ce qui est tout à fait logique. Mais, quand on à 11 ans on ne raisonne pas ainsi. J'étais tout simplement jaloux !
Il ne fallut pas longtemps, avant que je ne fusse "bombardé" baby-sitter, promotion dont je me serais bien volontiers passé. Les parents organisaient fréquemment des petites soirées, soit chez nous, soit chez des voisins amis, les Gits où les Thorn ... La suite se laisse facilement deviner : Guy était de la "revue" ! Ce n'était pas une partie de plaisir. Nadine pleurait souvent, et je ne savais pas comment m'y prendre pour la calmer. Sur le moment cela n'améliora pas mes sentiments vis-à-vis d'elle.  Et pourtant, quand j'y pense, elle adorait son grand "frérot" ... Plus tard elle prenait toujours ma défense ! "Ne punis pas mon frère, Maman"
 Nous nous aimons bien, tous les deux, énormément ! Honnêtement, je ne sais pas ce que je ferais sans elle !
Le temps avait passé, et nous voici déjà en 1950. Erwin et moi, nous avions chacun reçu un vélo pour notre Saint Nicolas. Un de ces "curieux" hauts vélos Hollandais, sans dérailleur, et équipé avec un "moyeu" torpédo. (Les Anglais les appellent "Sit-up and Beg" bikes). Pour freiner, il fallait pédaler à l'envers. Nous allions souvent nous balader, Erwin et moi. On allait un peu partout dans les environs d'Amsterdam.
Un jour il nous avait pris l'idée d'aller à Zandvoort, la plage favorite des "Amstellodamois". A cette occasion nous avions été sérieusement "tutoyés" par nos parents. Nous n'avions pas dit où nous allions, et nous étions rentrés fort tard, on avait tout bonnement oublié l'heure. La nuit commençait à tomber, et nous étions en juin ! C'est dire ... nos parents étaient "morts" d'inquiétude.
En 1951, j'avais changé d'école. J'étais passé aux études "moyennes" et je fréquentais, l'école "Saint Louis", dans le "Centre d'Amsterdam" dans la Spuistraat.
Pour y aller je devais prendre le tram. Du coup finies les rencontres "malencontreuses" avec mes tortionnaires ... A mon tour d'être "libéré" (ma "guerre" avait continué pendant 6 ans !) Par la suite, je me rendais à l'école en vélo. Au début maman n'aimait pas trop que j'aille dans le centre d'Amsterdam en vélo ! Elle craignait que j'aie un accident, mais par la suite quand elle vit que tout allait bien, elle n'y faisait plus d'objection ... j'étais prudent !
Erwin quand à lui fréquentait une autre école, mais cela ne nous empêchait pas de nous voir, grâce aux scouts et les randonnées à vélo.
Mais, la séparation n'allait pas tarder. En effet, les affaires de papa périclitèrent. Les dettes s'accumulaient, aussi mes parents avaient décidé de quitter la Hollande pour venir s'établir en Belgique, et de recommencer à zéro. Bien entendu je n'en savais rien, car ils ne m'en avaient jamais parlé.
Les vacances scolaires de 1952 arrivèrent, et comme de coutume, on m'expédia à Jemappes, chez la tante Alice. Rien de bien extraordinaire, donc. Sauf que, lorsque la fin du mois d'août approcha, aucune préparation ne fut prise pour me réexpédier à Amsterdam.  Lorsque je demandais le pourquoi, on m'avait répondu que j'allais rester en Belgique, que nous allions vivre à Bruxelles.
Patatras !  Quelle catastrophe. Je m'étais déjà réjoui de retrouver Erwin et mes petites possession, restées à Amsterdam. Mon vélo, mes "bouquins", mes collections de toutes sortes, les scouts, nos balades, etc. ...
En fait, l'entreprise de papa avait fait faillite et toutes nos possessions, y comprises les miennes, avaient été saisies, afin de payer les dettes qui s'étaient accumulées.  Pour moi, plus grave encore que la perte de mon vélo et mes livres, il y avait Erwin, à qui je n'avais pas pu faire mes adieux !
Je changeais donc de pays, en même temps que s'achevait mon enfance. J'entrais de plein pied dans l'adolescence.
J'allais avoir 15 ans quelques jours plus tard,
le 17 septembre 1952